SANGLIERS : un hiver déterminant

Les chiffres de prélèvements de Sangliers pour la saison 2013/2014 viennent de tomber et ce n’est une surprise pour personne, ils sont en baisse. Cette baisse serait de plus de 10% sur le plan national, sauf pour les départements du pourtour méditerranéen, également appelés départements du chêne vert. Pour le reste du territoire, une sérieuse baisse est constatée avec quelques disparités toutefois. Dans certains départements, une concentration a été constatée sur quelques secteurs que la clémence de l’hiver n’a pas dispersé comme c’est souvent le cas en période de disette. La présence de chercheurs de champignons sur une trop grande période a provoqué un dérangement qui a contribué à un regroupement des populations de Sangliers dans des secteurs plus tranquilles.  Malgré cette baisse, les prélèvements restent toutefois bien supérieurs à ceux d’il y a 15 ou 20 ans. Il était peut-être bon d’arrêter cette escalade et celle des dégâts qui en découlent pour revenir à des populations plus raisonnées.

Au bon souvenir de chacun, le bonheur n’était-il pas tout aussi intense lorsque l’on prélevait 1 ou 2 Sangliers toutes les 2 ou 3 semaines que quand il s’en présente 5 ou 6 au tapis à chaque battue? Je ne parle même pas du qualitatif car comparativement, les grands vieux Sangliers sont biens plus rares aujourd’hui, dans une population à son plus haut niveau depuis quelques années. Si le nombre des  prélèvements par Chasseur a fortement augmenté, ceux qui sont titulaires d’un beau trophée ne sont pas si nombreux.

 

Toujours est-il que les différents plans de gestion mis en place dans le but de faire baisser les dégâts sembleraient avoir porter leurs fruits au point que de nombreux Chasseurs, hier encore agacés par l’escalade des indemnités versées au monde agricole, s’inquiètent aujourd’hui pour la future saison. La peur de ne plus voir de Sangliers est maintenant aussi forte que celle de devoir ouvrir le porte monnaie pour payer les dégâts.

 

Faut-il avoir cette crainte? La population de bêtes noires est-elle réduite de manière considérable pour de nombreuses années?

Les différents facteurs intervenants dans la reproduction de Sus Scofra semblent pourtant bien favorables à une remontée rapide des populations. Portons un regard sur la situation actuelle. La baisse de prélèvements de la saison passée n’indique pas qu’il n’y a plus de Sangliers, mais elle indique simplement qu’il y a moins de Sangliers. C’est sans compter sur la capacité extraordinaire de reproduction de la Bête Noire. Suivant son âge et surtout son poids, un Laie peut mettre bas entre 2 et 10 Marcassins, avec une moyenne de 4 à 6.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je vous laisse faire le calcul sur l’évolution théorique des populations. Pourquoi cette reproduction incroyable? Tout simplement pour faire face à une sélection naturelle particulièrement dure. En effet, sur le nombre des naissances, c’est entre 30 et 50 % de Marcassins qui ne survivront pas. Leur poids ne dépasse parfois pas 700 grs quand ils sont la progéniture de petites Laies.

 

Le Sangliers étant dépourvu de système de régulation thermique, les Laies saillies en juin au rut d’été mettent bas en octobre des Marcassins qui ne passeront que très difficilement l’hiver. Une grande partie va périr et la rudesse de l’hiver va être déterminant dans la survie de ces portées. Une Laie ayant perdu toute sa portée verra son lait se tarir et pourra de nouveau entrer en oestrus. Inversement, même si il ne reste plus qu’un seul Marcassin, la Laie encore allaitante ne sera pas saillie avant que ce Marcassin ne soit complètement sevré. Ainsi, les Laies qui ont perdu intégralement leur portée et celles qui n’avaient pu être saillies en juin vont l’être en novembre/décembre au rut d’hiver et vont mettre bas en mars, après 3 mois, 3 semaines et 3 jours de gestation. La période sera tout aussi déterminante dans la survie de la progéniture en cette fin d’hiver parfois difficile tant au niveau de la température que de l’alimentation. Le nid confectionné par la Laie, également appelé Chaudron (ceci explique cela) doit protéger au maximum les Marcassins de ces basses températures et l’expérience des Laies les plus âgées compte pour beaucoup dans leur survie.

L’automne 2013, particulièrement pluvieux a retardé les récoltes de maïs qui se sont déroulées dans de mauvaises conditions, enterrant profondément dans la boue une partie de la récolte. Les Sangliers ont pu ainsi disposer d’une réserve de nourriture qu’ils n’ont eu aucun mal à retrouver et déterrer par l’absence de gelées conséquentes (ces cultures ne concernent bien évidement pas les départements du pourtour méditerranéen, mais ces derniers ne sont ps non plus concernés par la baisse des prélèvements). Les températures clémentes de l’hiver ont épargné une grande partie des Marcassins nés en octobre et la fin de l’hiver à partir de février a connu des température que très rarement atteintes en cette période, dignes d’un début d’été. Tous ces Marcassins nés en mars sous des températures largement favorables ont un espoir de survie bien supérieur à la normale et devraient développer une courbe de poids plus élevée. Les Laies nées en cet fin d’hiver atteindrons très certainement un poids de 30 à 40 kg en novembre prochain pour le rut d’hiver. Non seulement les marcassins nés en mars reconstitueront une population des Bêtes Rousses pour l’ouverture, mais les Laies épargnées à la Chasse représenteront autant de potentiel reproducteur pour la saison suivante. La clémence de l’hiver passé se retrouve ainsi déterminant pour les deux saisons à  venir.

La balle est à nouveau dans le camp des Chasseurs qui devront mettre en place un plan de prélèvement à hauteur de leurs objectifs. Soit relever encore d’avantage les populations de Sangliers et trouver rapidement la parade pour en limiter les dégâts, soit concentrer leurs efforts vers un plan plus qualitatif préparant une population des Grands Vieux Sangliers, bien armés, pour les saisons futures. A savoir si l’on veut 10 Sangliers à son tableau en fin de saison, ou si 3 ou 4 suffisent, mais dont l’un d’eux sera porteur d’un trophée respectable…